FRANCE – NOUVELLE ZÉLANDE : 27-13
CUITS À L’ÉTOUFFÉE
Pour faire un bon match d’ouverture d’une Coupe du monde, il faut des bons produits, évidemment locaux. Ensuit on choisit une grande marmite, genre Stade de France, y verser 80 000 supporters à température, ajouter une vingtaine de coqs, mettre des brins de fougères, chauffer à fond et quand ça siffle c’est prêt. A déguster chaud.
La recette était simple, elle a rassasié sans peine le public de Saint-Denis. Battre les All Blacks, invaincus depuis toujours en phase de poule de Coupe du monde, c’est bien plus nourrissant qu’un apéro. Et aussi joyeux. Plus encore.
Le Stade de France, ses 35° à l’ombre, ses bars à bières et ses supporters ont accueilli le monde du rugby dès 16 heures vendredi, bien avant l’ouverture des portes la pression montait, coulait. Comme la sueur.
Si le XV de France ne pouvait échapper à la fièvre de cette première, le public dyonisien a tout fait pour ne pas faire redescendre le thermomètre. De mémoire, on n’avait pas vu une ambiance d’avant match aussi incandescente quand, à l’issue d’une courte cérémonie d’ouverture, aussi franchouillarde que sympathique, la sono a lancé le Paquito Chocolatero à pleins décibels. Que l’on soit Bayonnais, Biarrot, Toulousain, Lyonnais ou Lillois, ce qui est devenu l’hymne national du rugby a emporté le stade et les têtes.
Et la suite ?
La France voulait faire la fête, les Bleus et leurs supporters ont tenu bon. Pendant une heure et demie, dans une atmosphère étouffante – il faisait encore 26° à 22h45 – tout le monde a sué. Sur le terrain et en tribunes. A l’unisson, personne n’a cédé. Quand les maillots noirs enfonçaient les parois bleues, les tribunes reprenaient la Marseillaise, pour repartir à l’assaut.
Nous n’avons pas assisté au plus grand match du XV de Galthier, gavé que nous sommes par d’autres récitals de sa troupe avant, mais l’intensité était là. En croisant en tribune de presse Aubin Hueber, l’ancien international toulonnais aujourd’hui consultant télé, ses mots résumaient tout : «L’important c’était les points, la victoire. Quand tu bats les Blacks en match d’ouverture c’est forcément un grand match, quelle que soit la façon dont tu gagnes».
La faim a justifié les moyens. Les Bleus ont avalé les Blacks en fin de match, un dessert offert au public. Au coup de sifflet final, tous rincés et cabossés, alors que la sono relançait l’envie de brailler son plaisir, les deux clans ont longtemps patienté sur la pelouse avant de rejoindre la fraîcheur du vestiaire.
Les remplaçants blacks effectuaient quelques courses de récupération et ont pu mesurer l’ampleur du soutien des supporters pas près de quitter les tribunes. A côté d’eux, les maillots blancs, bras dessus bras dessous, entamaient un tour d’honneur, certains avec leurs enfants, et étiraient le bonheur d’une soirée étouffante. Ouf, la pression du premier était évacuée. On est encore loin de la finale mais la cocotte du Stade de France a mis longtemps à refroidir. Elle attend la prochaine recette des Bleus ici en octobre. Qui en doute ?
Aux buvettes alignées à la sortie, dans les rues où déambulaient un peuple bleu, on a aperçu des maillots argentins, irlandais, néo-zélandais ou sud-africains. Et des rires, des chants. Il était minuit passé, en zone mixte, à peine remis des émotions, les joueurs se présentaient devant la presse. Heu-reux. Ca ne fait que commencer. A Lille, jeudi, on remet ça contre l’Uruguay. Ca sent bon la pression.