Equipe de France : Et maintenant ?
Le XV de France a quitté «sa» Coupe du monde dimanche soir après sa défaite face aux Sud-Africains (28-29), champions du monde, avec de gros regrets. Un quart d’heure après le coup de sifflet final, le tour de terrain effectué à pas lents par Dupont et les autres dans un stade à moitié vide contrastait avec celui des Irlandais, éliminés eux aussi la veille (par les Néo-Zélandais, 24-28). Les coéquipiers de Jonathan Sexton, tout aussi démoralisés, avaient reçu l’ovation de dizaines de milliers de leurs supporters debout dans les gradins. La majorité des supporters (?) du XV de France, plus discrets, ont choisi de filer rapidement, laissant ceux qu’ils portaient aux nues le jour d’avant assez seuls avec leur peine immense. Triste fin de partie.
Dans deux semaines, le dimanche 29 octobre, au lendemain de la finale de la Coupe du monde, le Top 14 reprendra son cours avec la 4ème journée. Et la vie du championnat de France absorbera petit à petit le retour des 33 internationaux, rendus à la vie civile après presque quatre mois d’aventures tricolores.
La suite dira comment les uns et les autres digèreront leur frustration. La prestation lunaire de Ben O’Keefe, l’arbitre néo-zélandais dépassé de ce quart-de-finale finira peut-être par s’estomper. Le rappel des nombreuses erreurs techniques de quelques cadres bleus se gommera et on finira peut-être par zapper la leçon tactique que Rassie Erasmus, sélectionneur des Boks, a donné magistralement à Fabien Galthié.
Il va falloir se projeter sur l’avenir. Le rendez-vous le plus proche rappelle que le Tournoi des VI Nations, après chaque Mondial, est une machine infernal pour rebooster les énergies ou enfouir les espoirs. Tout commencera le 2 février avec le duel des «battus», un France-Irlande qui ne se jouera pas au Stade de France en chantier pour préparer les Jeux. Ne pas revenir tout de suite à Saint-Denis réveiller les mauvais souvenirs, Français et Irlandais ne s’en plaindront pas. En revanche, seul le vainqueur esquissera un semblant de sourire.
2024 est l’an 1 d’une autre histoire dont on connaît le prochain épilogue : la Coupe du monde en Australie en 2027. Comme les quatre derniers, l’affaire s’engagera avec Fabien Galthié dans le fauteuil de sélectionneur. Il avait déjà prolongé jusqu’en 2028 et a confirmé sa volonté de rester à la barre dès dimanche soir. Son staff va connaître des départs et des arrivées ce qui pourrait servir à la vie du groupe.
Ce groupe de 42 joueurs et toutes les facilités accordées au travail et aux exigences du sélectionneur étaient la résultante de la mission France 2023. L’échec comptable est patent mais il serait injuste de tout jeter quand, il y a très peu de temps, les louanges les plus extrêmes accompagnaient la route de «la meilleure équipe de tous les temps».
Seule la victoire est jolie? On serait tenté de répondre par l’affirmative. En demi-finales on retrouve à côté de la surprenante Argentine, trois vainqueurs de Coupe du monde : Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et Angleterre. Serial winners.
L’équipe de Fabien Galthié a chuté à l’antépénultième marche mais en quatre ans, elle en avait déjà gravi des dizaines. Trop facilement? Les leaders techniques ou mentaux d’aujourd’hui, Antoine Dupont, Romain Ntamack, Gregory Aldritt, Anthony Jelonch, Damian Penaud ou Charles Ollivon ont entre 25 et 30 ans et presque tous plus d’une trentaine de sélections. Seulement neuf éléments du groupe des 31 présents au Japon en 2019 étaient encore là. C’est dire le renouvellement et le travail effectué qui apssé e n revue plus de 70 joueurs. On guettera la première liste de Fabien Galthié et son allant à remettre la machine en marche début janvier.
Il va falloir inscrire le goût de la victoire, le refus de la défaite dans l’ADN de ce groupe, même s’il devrait perdre quelques éléments de poids au fil des prochains mois. Les a-t-on vu trop beaux? Possible. Cette équipe avait-elle assez souffert ensemble? Pas sur. Après le grand Chelem de 2022 vécu comme une apothéose par la France du rugby, la défaite en Irlande dans le Tournoi 2023 et ses premières fissures entraperçues ont à peine entamé la confiance affichée par les deux succès des test de l’automne précdent (France-Australie, 30-29 ; France – Afrique du Sud, 30-26) pourtant contestés jusqu’au bout. La liesse de la victoires avait balayé les doutes. Le réalisme de la Coupe du monde où seule la victoire compte, où seuls les matches à élimination punissent, où seules les erreurs d’arbitrage ou de jeu offrent la double peine, c’est une autre vérité. Plus dure que la routine du Tournoi des VI Nations. On se prépare quatre ans, on se bagarre six semaines.
Les prochains mois relèveront les plus forts. Aucun enjeu n’est plus fort que le Mondial. On prête à Antoine Dupont de se fixer un nouvel objectif avec le tournoi olympique de rugby à 7. «S’il le décide, il fera les JO, et s’il les fait, on ne pourra pas rêver meilleure tête de gondole», pronostique Florian Grill, président de la FFR.
On jugera dans les semaines à venir les retombées en terme de popularité des «têtes de gondoles» et de l’effet Coupe du monde dans le train-train du Top 14, des Coupes d’Europe et du Tournoi. Il y a une vie après la défaite.